Archives par mot-clé : Violence

Aboubacar Barry : le sens du rite à l’adolescence

L’accroissement des demandes de prise en charge institutionnelle d’adolescents indique soit que les crises d’adolescence sont devenues plus aiguës, soit que les formes d’organisation actuelles des familles les rendent incompétentes à les gérer en leur sein. Cette sollicitation s’explique aussi en partie par l’absence de procédures médiatisant le passage à l’âge adulte. Beaucoup de conduites adolescentes évoquent d’ailleurs des esquisses ratées de rituels d’initiation. Le travail avec des adolescents ne peut qu’être enrichi et amélioré par la connaissance des rites de passage pratiqués par les sociétés traditionnelles. Le cadre de contenance de la violence et de la sexualité qu’offrent ces rites, les procédures d’affiliation au monde adulte qu’ils mettent en œuvre, la réélaboration de l’ordre symbolique qu’ils impulsent, etc., permettent d’éclairer certaines impasses auxquelles les institutions accueillant des adolescents sont régulièrement confrontées.

Serge Tisseron : comment aider les adolescents à ne pas être dupes des images

La tendance à croire aux images est fondamentale à la vie psychique. Pourtant, les images – notamment violentes – peuvent proposer des modèles, mais elles sont incapables à elles seules d’imposer le désir d’y correspondre. Elles sont le plus souvent recherchées pour leur pouvoir de figurabilité, autant dans le domaine des états du corps et fantasmes archaïques que des émotions de la vie quotidienne parfois difficiles à se représenter.

Les adolescents utilisent spontanément trois moyens complémentaires pour gérer le malaise provoqué chez eux par les images violentes : le langage, les représentations intérieures et les représentations corporelles. Ces trois moyens sont la clé de l’éducation aux images.

Dominique J. Arnoux : le sentiment de nullité

Le récit de trois consultations à propos d’un adolescent arrogant se vivant comme nul me permet de penser le processus psychanalytique de la cure et de ses enjeux. La place est donnée au travail de pensée du psychanalyste à partir des états émotionnels du sujet émergeant dans la cure, mais aussi de ses parents en consultations du début. Il y a violence du fait d’un jugement d’attribution venu des objets parentaux au plus jeune âge et que l’adolescent reprend à son compte sans le savoir. La misère d’objet à l’adolescence trouve ici une définition ainsi qu’une réflexion sur le sentiment de nullité si fréquent à cet âge.

Alberto Eiguer : pourquoi les adolescents n’aiment pas les fêtes de famille ?

 

Afin de creuser les raisons de ce refus, l’auteur examine successivement les limites du concept de défense maniaque, les caractéristiques de toute fête de famille – le rite qui évoque les origines de la famille et l’appartenance de ses membres, mais qui se dresse également contre tout excès et débordement –, la nature singulière de la fête, chez les adolescents – hyperactivité et mise en tension des sensations archaïques –, pour préciser ce qui les heurte tout particulièrement. Les adolescents n’aiment pas les fêtes de famille car elles véhiculent un ordre généalogique dans lequel ils imaginent ne pas avoir de place. Ce serait la raison qui explique qu’ils ne supportent pas leur tonalité apologique ou les certitudes que prétendent dégager les allégories mythiques qui s’y expriment. Ce rejet est en accord avec leur prétention de se construire une néo-filiation, ce qui les conduit vers d’autres groupes et d’autres fêtes (rave parties), mais cela n’est que la face visible d’une autre quête, celle d’une place qui serait la leur dans la généalogie.

Walter Ernesto Ude Marques : amitié bandite : jeunesse, violence et masculinité

Cet article prend appui sur une recherche menée auprès de jeunes en régime de semi-liberté bénéficiant d’une prise en charge socio-éducative à Belo Horizonte, au Brésil.

Ces adolescents vivent dans un monde belliqueux où l’ethos guerrier est dominant, associé à l’idée que la virilité ne comporte pas d’affect. Construction imaginaire et réelle du monde moderne qui aliène la virilité à la violence. Le bandit n’a pas d’amis, l’amitié ferait partie du territoire du sacré.

La création d’espaces privilégiés, de dialogue, permettrait de déconstruire la virilité violente et ses rapports de domination pour que l’amitié ne soit pas bannie des rapports entre les êtres humains.

Claire Maurice : l’adolescence en banlieue : un nouveau « malaise » ?

De nombreux jeunes de banlieue traversent des difficultés multiples, d’ordre familial et social interrogeant l’émergence d’une nouvelle forme de malaise adolescent dans notre société contemporaine. Ces jeunes ne sont pas toujours accessibles à un travail thérapeutique. Ce qui pose des questions spécifiques sur la nécessité d’inventer des dispositifs de soins à mi-chemin entre le social et le thérapeutique, soit une manière de rencontrer ces jeunes à partir de l’espace-temps frontière qui les définit : la banlieue, cette zone intermédiaire où se télescopent revendication communautaire et déficit identitaire.

Jean-Pierre Klein : Adolescents et violence créatrice

Les discours et attitudes face à la violence adolescente réactionnelle à la transformation violente de son corps qui s’impose à lui, sont eux-mêmes souvent réactionnels dans la contre-violence (l’auteur énumère les cinq pièges habituels) alors que la violence désirante pourrait générer des œuvres de fiction qui traiteraient indirectement de leurs problématiques, mêlant le rapport à la loi du père et les retrouvailles avec le chant de la mère. L’adolescent se définit sémiotiquement comme « sujet négatif » qui décline les verbes vouloir, devoir, savoir et pouvoir au négatif. Comment « la création comme processus de transformation » peut-elle l’aider à se réinstaurer comme « sujet de quête » en recherche de son identité en construction ? L’expérience de la psychothérapie peut-elle irriguer d’autres pratiques, y compris celles qui n’ont pas l’air de s’en réclamer ? L’auteur, psychothérapeute et auteur dramatique, relate une expérience d’atelier d’écriture auprès d’adolescents exclus d’un collège pour leur comportement et leur discours violents.

Maria Fatima Olivia Sudsbrack : le projet phénix : une démarche collective de protection des adolescents par une mobilisation des ressources familiales et institutionnelles

À la demande du juge pour enfants du Tribunal de Brasilia, l’UFR de psychologie sociale de l’Université fédérale a mis en place un projet avec deux cents jeunes sous mesure de justice et leurs familles. Intitulé « Projet Phénix », le travail vise à renforcer les capacités des familles et des adolescents à se protéger des violences et des emprises de la favela. Les échanges au sein du groupe favorisent la reconnaissance des ressources de chacun. Cet article écrit par Maria Fatima Olivia Sudsbrack, professeur et initiatrice de ce projet, analyse le processus même pendant plus d’une année avec ces jeunes et leurs familles. Elle ouvre, par son témoignage et son analyse des pistes de travail pour les professionnels français de l’éducation.

Teresa Cristina Carreteiro : jeunesses Brésiliennes, institutions et changement dans les groupes défavorisés

Les jeunes Brésiliens, vivant dans les quartiers sensibles où sévit le trafic de drogue, font l’expérience de la violence et sont souvent fascinés par elle d’autant plus qu’ils sont en quête de reconnaissance. Or, pour obtenir celle-ci, ils ne peuvent guère compter sur l’appui des institutions sociales qui ont souvent tendance à les stigmatiser alors que le trafic de drogue les acceuille. Pourtant certaines personnes savent éviter ce piège et surmonter leurs conditions difficiles de vie. Ainsi Daniel, qui a élaboré avec l’auteur, son histoire de vie pendant plusieurs années a réussi, grâce au soutien de certains appuis et malgré une vie remplie d’obstacles et de dangers, à construire sa maison, à travailler de manière régulière et légale, à aider sa famille à s’établir et à changer sa vie en instaurant avec d’autres des liens de solidarité et de convivialité.

Laurence Corthay-Casot, Olivier Halfon: la violence dans le contexte de l’adolescence

Les auteurs proposent une réflexion relative à la violence agi en augmentation dans la population adolescente et ils s’interrogent sur la compréhension analytique des mouvements destructeurs, aussi bien hétéroagressifs qu’autoagressifs. Différentes positions théoriques sur la question de la pulsion de mort, de la dé-liaison pulsionnelle ou de la tentative de sauvegarde d’un sentiment d’identité lors de l’irruption de violence sont abordées rapidement, suivies de deux vignettes cliniques. La réflexion à partir de ces vignettes tente une mise en lien des aspects intrapsychiques et familiaux qui sous-tendent le recours aux passages à l’acte violents chez ces sujets, en relation avec la problématique adolescente. L’impasse identificatoire momentanée est évoquée ainsi que l’interdépendance entre la violence dirigée contre soi et celle dirigée contre autrui.

Adolescence, 1998, T. 16 n°1, pp. 295-308.