Archives de catégorie : Lieux – 2002 T. 20 n°3

Vincent Cornalba : presque-pubertaire

L’auteur se propose de remplacer le terme de pré-puberté par celui de presque-pubertaire, se référant simultanément aux travaux de Gutton et de Jankélévitch. Cette formulation semble en effet plus appropriée pour témoigner de la dynamique particulière engagée à cette période. Plus vraiment enfant, pas encore adolescent, le sujet de cet entre-deux est plus que jamais confronté à la question de l’être dont l’expression fondamentale reste l’insaisissabilité du devenir. L’advenir d’un presque-rien qui le sépare du mouvement pubertaire tend à cristalliser l’expression d’une interrogation continue sur l’évidence d’une existence à jamais naissante.

Alberto Konicheckis : subjectivation de l’espèce par l’individu à la puberté

L’article aborde la manière dont l’irruption de l’espèce au cours de la puberté retentit dans la subjectivité individuelle de l’adolescent. Après avoir constaté les bouleversements apportés par Freud à la conception darwinienne sur l’espèce, la dialectique individu-espèce est explorée à partir du cas de Victor, adolescent en thérapie. Y sont analysés les liens à la transgénérationnalité et au groupe, qui, par leur caractère collectif, pourraient être considérés comme des équivalents psychiques de l’espèce pour l’individu. Le flambeau de l’existence néanmoins se pérennise sous la forme de fantasmes de transmission et de génération, lorsqu’en plus de la différence des générations, peuvent aussi être admis la différence des sexes et la finitude de l’individu.

Claire Neirinck : parenté et parentalité. aspects juridiques

L’auteur s’interroge en juriste sur la notion de parentalité au regard de celle de parenté. Le lien de parenté, par le sang ou par l’adoption permet de rattacher une personne à sa famille, de le nommer par référence à cette famille, de la situer en son sein. La parenté assure l’inscription généalogique du sujet. La parentalité concerne la prise en compte de la compétence parentale et tend à réaliser un amalgame entre parenté et autorité parentale . Elle ne peut être analysée comme constitutive d’un lien juridique. Mais dès lors que les juristes utilisent cette notion pour consacrer l’attente de certains qui veulent jouer un rôle reconnu de père et mère auprès de l’enfant, ou pour remettre en cause les parents défaillants, la parentalité induit l’affaiblissement de la parenté. Le juriste ne peut que déplorer ici le recul du droit.

Nicole Catheline : ajustement des liens et institutions

Il est classique de dire que le travail psychique que doit accomplir l’adolescent est un travail de séparation en particulier avec les objets de l’enfance. Il semble plus juste en fait de parler d’un ajustement des liens entre parents et adolescent. Ceux-ci doivent être ni trop lâches pour éviter le sentiment d’abandon, ni trop serrés pour ne pas empêcher l’individu de se construire un espace psychique propre. Un temps institutionnel dans lequel chacun, adolescent comme parent, pourra trouver sa place peut aider à trouver cette bonne distance. La mise en place d’un groupe de parents en même temps qu’une mise en institution pour l’adolescent permettent de travailler sur cet ajustement des liens.

Michel Delage : adolescence, crise familiale et travail sur les liens

L’adolescence peut être comprise comme une crise des liens nécessitant la mise en place de nouvelles élaborations dans les rapports entre l’individu et l’environnement.

Lorsque des symptômes apparaissent et font l’objet d’une demande de consultation, ils doivent être compris à la fois dans la logique du sens, propre à la problématique du sujet, et dans celle d’une fonction au sein d’un ensemble groupal dysfonctionnel.

Une observation clinique illustre les modalités d’interventions thérapeutiques qui peuvent être mises en place à plusieurs niveaux.

Jean-Pierre Del Volgo : cannabis…, nouvel opium adolescent

Alors que de puissants groupes de pression militent en faveur d’une dépénalisation du cannabis, le débat entre adultes est faussé car il se développe sur cette question centrale : le cannabis est-il ou n’est-il pas neurotoxique ?

Or, les adolescents actuels consomment peu le cannabis pour « se défoncer » mais plutôt pour « s’endormir », y compris dans la journée, à l’école ou sur le lieu de travail. La consommation majoritaire de cannabis n’est plus récréative et n’est plus liée à la fête ou à la transgression. Ce nouveau mode de consommation qui a pour effet l’ivresse cannabique et pour but une ivresse banalisée dans les actes quotidiens, se rapproche inéluctablement de l’autre ivresse bien connue, l’ivresse alcoolique.

Voilà une très bonne raison de s’inquiéter du présent comme de l’avenir de ces adolescents.

Pascal Hachet : usages festifs de cannabis

Les très nombreux adolescents qui fument du cannabis de manière festive – ou récréative – n’entretiennent certes pas un rapport addictif avec les « joints ». Mais il est intéressant de remarquer que l’utilisation de ce produit n’est jamais étrangère aux divers aspects de la conflictualité constitutive de la crise d’adolescence : par delà le fait de disposer d’une alternative – ou d’un complément ! – à l’ivresse provoquée par les boissons alcoolisées, il s’agit de modifier ponctuellement ce qui est ressenti et pensé, de manière à améliorer le rapport avec les autres adolescents, à se familiariser avec le désir et les premières expériences sexuelles, à faciliter les manifestations d’humour et, parfois, à gérer une sensibilité excessive et des fantasmes sexuels et agressifs dérangeants. Des entretiens psychoéducatifs peuvent permettre à ces adolescents de questionner plus globalement le mal-être propre à leur âge, ses conséquences relationnelles et la façon dont ils essaient d’y remédier. À cet égard, la famille peut être utilement associée à la prise en charge.

Marie-Jeanne Guedj : passage à l’acte et urgence : cadre et réseau

À partir d’un nombre important d’urgences psychiatriques à l’adolescence (540 moins de 18 ans en 2001), le lien du passage à l’acte à la situation d’urgence à l’adolescence est exploré : la psychiatrie moderne ne tend-elle pas à définir une psychiatrie de l’acte ?

Celui-ci dépend de causes internes à l’adolescence mais aussi de l’environnement. Dès lors, le travail face à ces situations se définit à la fois par la constitution du service d’urgence comme cadre interne et à la fois par le développement d’un réseau externe.

L’évolution d’un service pour accueillir l’urgence psychiatrique à l’adolescence peut ainsi être décrite.

Maurice Corcos : contrat de soin : marché de dupes ou de partenaires ?

Le terme de contrat dans son intitulé laisse entendre un accord préalable clair ou à défaut, une contrainte mutuelle acceptée, en d’autres termes laisse augurer le définitif et le maîtrisé. Y accoler le qualificatif de soin ouvre à la notion de processus thérapeutique avec tout ce qu’il sous-entend de mouvement psychique vers un devenir soumis à l’ambivalence, au couple idéalisation-désidéalisation, à l’aléatoire. Le processus de travail engagé propose un cadre thérapeutique à la fois spatial et temporel qui crée les conditions d’émergence d’un espace transitionnel.

Il y a marché de dupes si la visée normative immédiate prédomine :

– traitement médicamenteux univoque ;

– imposture de l’efficacité symptomatique sans travail d’élaboration (favorisant les rechutes et les aménagements économiques défensifs laissant évoluer à bas bruit la problématique avec risque gravatif) ; de la vérification ; de la transparence dans l’information.

Stéphane Bourcet, Jean-Michel Permingeat : aspects juridiques de l’hospitalisation des mineurs

En France, l’hospitalisation des mineurs est régie par plusieurs textes législatifs et réglementaires qui mettent en évidence que la décision de l’hospitalisation et de soins appartient au titulaire de l’autorité parentale. Toutefois, ils posent aussi le principe, suivant en cela les conventions internationales des droits de l’enfant, de la nécessité du consentement du mineur aux soins et de la préservation, dans des cas spécifiques, de son secret médical.