Archives par mot-clé : Philippe Givre

Jacques Goldberg, Philippe Givre : des subjectivations à l’adolescence

La notion de subjectivation, pour aborder le travail adolescent, implique d’interroger la spécificité du sujet en question et les enjeux d’un processus qui seront dégagés à partir de l’examen de trois ouvrages. Il s’agira donc de nous ressaisir de la singularité de ces trois approches originales du processus de subjectivation : sujet de la chair et “ inconscient premier ” (Cahn) ; oscillation hystérico-dépressive et mélancolie de base (Richard) ; travail de retournement passif/actif et accès à un “ se laisser faire par les signifiants ” (Penot). L’accent sera mis sur la fonction centrale du réel du corps sexué qui semble à certains égards sous-estimée par ces auteurs. Dans un second temps, et dans la deuxième partie de l’article (qui sera publiée dans le numéro suivant de la Revue), les options que nous avons retenues nous porterons à examiner le rapport du sujet à ses “ potentialités ” réelles qui le constitueront comme sujet social et culturel, ainsi que le travail d’auto-création et celui de sublimation(s) appréhendés comme essentiels aux dégagements pulsionnels. Si le sujet en question est un “ moi-sujet ”, il en résulte au niveau des approches cliniques, une mise en tension entre deux intentionnalités : l’une au niveau du moi (fonctionnel et narratif) et l’autre au niveau du sujet (divisé et confronté à la castration).

Philippe Givre : l’autosabotage : mode d’être adolescent

Au-delà d’une simple conduite psychopathologique, l’autosabotage, dans l’acceptation que lui donne Jeammet, reflète le maintien d’une situation de dépendance et traduit un échec des processus psychiques internes à aménager la relation. Ainsi, via ce langage comportemental ou néo-langage, l’adolescent cherche à créer une néo-identité capable de compenser le déficit des processus d’intériorisation et du même coup à juguler la présence de failles narcissiques que les processus adolescents auront mis à jour par la quête de sensations.

 

L’autosadisme sous-jacent à l’autosabotage repose, de fait, sur une sorte « d’auto-érotisme compensateur » qui est aussi un auto-érotisme pétrifié ou perverti pour devenir comme dans les addictions, purement machinal et autodestructeur en favorisant notamment la désobjectalisation de ces conduites qui vont alors s’ériger en mode d’être ; un mode d’être qui instaure le goût de la déréliction en lieu et place de la dynamique désirante.

Philippe Givre : philia et adolescence

L’enjeu central de ce texte est de parvenir à envisager si la thématique de la Philia est susceptible d’avoir une pertinence quelconque au sein de l’approche psychanalytique. Les affinités que la psychanalyse entretient avec Éros ne plaident pas en ce sens, sauf à prendre en compte les conceptualisations de D. W. Winnicott qui articule l’amitié à la notion de “ relation au moi ” et à la “ capacité d’être seul ”. Il en ressort que le don de l’amitié serait engagé dans le devenir de la maturation affective dont la capacité d’être seul en présence de l’autre en représente le phénomène le plus élaboré. L’ami ne peut être tenu pour un simple modèle ou comme l’équivalent d’un autoportrait. Il ne peut pas plus être réduit à un autre soi-même, quand bien même il est détenteur de quelque chose qui m’est dû. Si les adolescents ont une préférence pour l’amitié, c’est que le don d’amitié leur est indispensable pour amorcer et accompagner les mouvements de subjectivation de l’adolescens. En ce sens, il s’avère que toute amitié est contemporaine d’un remaniement subjectif puisqu’elle conditionne la possibilité d’advenir en ce que nous avons de propre.

 

Philippe Givre : Amours musicales et musicalité des amours adolescentes

A partir des travaux de Roland Barthes qui établit une équivalence entre musique et discours amoureux, l’auteur cherche à montrer que des intrications étroites se nouent entre la temporalité singulière de l’adolescence, la musique et l’état amoureux. S’il semble difficile de parler d’une distraction amoureuse chez l’adolescent, le souci adolescent semble tout entier dévolu à la quête de l’âme sur et à la recherche des mélodies musicales qui pourront en traduire l’émotion. Or, ce souci qui peut prendre une tonalité obsédante trouve à s’alléger par le biais des rythmes et des sonorités musicales qui entrent en correspondances avec les éprouvés pubertaires. Le discours amoureux de l’adolescent trouverait de façon élective sa traduction dans les choix musicaux qui ponctuent la traversée du pubertaire et de l’adolescence. L’écoute musicale aurait ainsi cette vertu d’accompagner et de soutenir le mouvement transformationnel de l’objet d’amour, à la condition toutefois que le potentiel sublimatoire puisse être convoqué par l’adolescent et servir à cette maturation des choix esthétiques. En offrant une rythmicité harmonieuse et des qualités sensorielles mélodieuses les musiques consensuelles qui scandent la phase de latence et l’entrée dans la puberté entretiendraient, grâce à leurs vertus apolliniennes (plaisir de la bonne forme), une vision harmonieuse de l’existence, avant de céder le pas à des musiques plus sophistiquées et torturées, aux accents dionysiaques, qui tout en maintenant le mythe de l’Unité primitive et de la complémentarité des sexes ouvrent sur une vision tragique de l’existence.

Philippe Givre: violence diabolisée et hystérisée de la culture rap!

Parfois diabolisée ou stigmatisée pour sa violence, la culture rap nous paraît mettre en évidence une phase structurale où se produit une nécessaire hystérisation des conduites et du discours adolescent, en même temps qu’une accession à un registre narratif plus ou moins poétique. En ce sens, l’expression rap, dans ses formes les plus achevées excède ce qui pourrait être assimilé à une simple répétition de fantasmes liés à la scène psychique adolescente pour pleinement participer à l’inscription de ses éléments fantasmatiques dans un processus sublimatoire. Art performatif; le rap se situe à ce point précis où se décide une certaine forme de renoncement et de transposition de l’acte en discours, et cela même s’il doit entretenir une ambiguïté constante quant au renoncement supposé. En ce sens, la « prose combat » inhérente au rap permet à tout le moins de générer cette attaque d’hystérie, propice à augurer cette interprétation violente des scènes du pubertaire. En définitive, la scène rap permettrait grâce à un travail sur la langue – d’un travail sur la voix, la diction et la scansion des textes – de promouvoir une véritable liberté d’improvisation et un « art-de-dire », en accord avec les règles intrinsèques du « speach act » et à l’intérieur des limites édictées par ce genre musical.

 

Adolescence, 1997, T. 15 n°2, pp. 308-325.

Philippe Givre: Le visage ravagé par les yeux

A quelle esthétique nous renvoie le corps anorexique? Si la quête du beau ou la grandiosité du sublime ne semblent guère correspondre à l’esthétique anorexique, des accointances plus sérieuses peuvent être mises en évidence avec l’esthétique de la laideur. La séduction du laid renverrait, selon Murielle Gagnebin (cf. La fascination de la laideur) à la fois à une nostalgie de l’enfance et à la maladie de la temporalité sur l’homme. Des affinités étroites se trament donc entre la mort, le temps et la laideur. Le laid ne peut être simplement considéré comme l’envers du beau puisqu’en donnant à voir ce qui est généralement dissimulé ou sublimé, il nous fait côtoyer les rivages d’une sexualité régressive et perverse. L’esthétique de la laideur répondrait de la sorte au besoin impérieux de se familiariser avec les figures spectrales qui peuplent l’univers du narcissisme de mort. En ce sens, « l’en-deçà psychanalytique du laid » n’est pas sans apporter un éclairage nouveau sur le contenu et la tonalité des fantasmes anorexiques. Sur un mode similaire à l’esthétique de la laideur, l’esthétique onirique des anorexiques révèle les ombres étouffantes et asphyxiantes du narcissisme de mort derrière lesquelles s’agitent et grouillent des fantasmes où l’oralité cannibalique et les angoisses de dévoration se mêlent aux fantasmes de pénétration et de viol. Aussi, ces ogresses d’imagos et d’objets d’amour à jamais perdus ne semblent avoir à leur disposition que leur corps et la fascination à l’Autre qui en émane pour mieux en dénoncer l’emprise qu’exercent sur elles des spectres vampiriques incorporés en des temps immémoriaux.

Philippe Givre : rêves et activité transformationnelle de l’adolescent. parcours conceptuel de françois ladame

L’approche conceptuelle proposée par F. Ladame met en exergue la notion originale de “ pare-excitations pour le dedans ” dont l’internalisation, lors de la seconde phase de séparation-individuation, constitue l’un des enjeux majeurs de la phase adolescente. Il convient donc de montrer comment s’entremêlent les rôles et fonctionnalités du Préconscient, du travail du rêve, du “ pare-excitations pour le dedans ” afin d’assumer l’activité transformationnelle de l’adolescence et afin de permettre l’achèvement du développement du corps sexué. Toutes ces interrelations et intrications réhabilitent du même coup le rôle du Moi auquel il revient de trouver des compromis capables d’intégrer à la fois le nouveau principe de réalité lié à l’émergence de la génitalité et de tolérer la présence maintenue vivante de fantasmes incestueux et parricides, étant entendu que l’inceste est au cœur de l’adolescence. Il en découle pour F. Ladame, l’idée centrale que la véritable innovation, voire la révolution de l’adolescence, réside en effet dans la possibilité de tolérer l’exclusion de la scène primitive tout en maintenant vivante la représentation de la relation du couple parental.

Adolescence, 2009, T. 27, n°1, pp. 177-198.

Philippe Givre : michael jackson : fantasma a vivo

La existencia de Michael Jackson, se aparenta a un largo one man show que se acaba cuando apenas tenía cincuenta años ¿ Que habrá podido representar, en primer lugar para él mismo, esta adolescencia de star a la cual fue invitado ? En efecto, simultáneamente las transformaciones físicas de la pubertad van a ser para él generadoras de angustias masivas, responsables de ataques virulentos y renovados hacia su propio cuerpo hasta el punto de producir una verdadera desestructuración de su apariencia física. La imposibilidad de asumir los elementos inherentes al proceso púbertario fue de una manera parcialmente contrabalanceado por el valor sublimatorio de su creatividad artística. Asi el moonwalk verdadera imprenta del artista que es una expresión actuada y con performancia, podría ser la traducción de un escenario fantasmático estrechamente vinculado al traumatismo de la pubertad y de la castración maternal. El recurso a un fenómeno de « extimidad » de la realidad interna habría logrado producir una actualización sublimada de sus fantasmas y así transfigurarlos en el centro de su creación estética.

Adolescence, 2013, T. 31, n°4, pp. 1005-1030.

Philippe Givre : Michael Jackson : raw fantasies

Michael Jackson’s life was akin to a long one man show that ended when he was barely fifty years old. What did the adolescence of the star represent, for himself first of all ? Indeed, the physical transformations of puberty will for him generate massive anxieties, causing virulent and repeated attacks against his own body, finally leading to a genuine destruction of his physical appearance. His inability to accept these inherent elements of puberty were nevertheless counterbalanced by the sublimatory value of his artistic creativity. Thus the moonwalk, the artist’s true signature, an acted and performed expression, may be the translation of fantasy scenario closely tied to the trauma of puberty and maternal castration. Recourse to a phenomenon of « extimization » of internal reality could thus have manage to produce a sublimated actualization of fantasies transformed in the fire of his esthetic creation.

Adolescence, 2013, T. 31, n°4, pp. 1005-1030.

Philippe Givre : Michael Jackson : fantasmes à vif

L’existence de Michael Jackson s’apparente à un long one man show qui s’est achevé alors qu’il avait tout juste cinquante ans. Qu’a pu représenter, en premier lieu pour lui-même, cette adolescence de star à laquelle il fut convié ? Simultanément en effet, les transformations physiques de la puberté vont être pour lui génératrices d’angoisses massives, responsables d’attaques virulentes et renouvelées contre son propre corps, jusqu’au point de produire une véritable déstructuration de son apparence physique. L’impossibilité d’assumer ces éléments inhérents au pubertaire fut toutefois partiellement contrebalancée par la valeur sublimatoire de sa créativité artistique. Ainsi le moonwalk, véritable signature de l’artiste, expression agie et performée, pourrait être la traduction d’un scénario fantasmatique étroitement intriqué au traumatisme de la puberté et à la castration maternelle. Le recours à un phénomène « d’extimisation » de la réalité interne aurait ainsi réussi à produire une actualisation sublimée de fantasmes ainsi transfigurés au plus vif de sa création esthétique.

Adolescence, 2013, T. 31, n°4, pp. 1005-1030.