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Renaud Evrard : psychiser le maître absolu : solutions pubertaires par le paranormal

L’intérêt d’une majorité d’adolescents pour le paranormal, comme théorie et comme expérience, se lit dans les statistiques de divers sondages, au point de l’élever au rang d’une banalité. Le contact avec le paranormal peut être motivé par la curiosité et l’ennui (Mischo, 1991), mais aussi impliquer des enjeux plus profonds dans un questionnement sur la mort. Ainsi, le recours à une séance de spiritisme peut être une modalité d’exploration des limites du symbolique et des effets du signifiant (Le Maléfan, 2008). Cette mise en scène de la mort peut aussi apparaître, paradoxalement, comme une des formes du fantasme d’immortalité dégagé par Ph. Gutton (1993) au temps pubertaire. Ce fantasme peut se développer pour devenir une solution provisoire pour élaborer un deuil ou un traumatisme. Nous essayerons de montrer, au travers de cas cliniques, comment l’adolescence, pensée comme un temps logique proche des états limites, peut subjectiver la mort, ce maître absolu, en la « psychisant », c’est-à-dire en se rapportant à des pratiques cultivées depuis plus d’un siècle par les sciences psychiques et le spiritisme.

Adolescence, 2010, T. 28, n°4, pp. 841-852.

Anne Joly, Sébastien Dupont : Julie et « Monseigneur » : des carences affectives précoces à la formation d’un compagnon imaginaire à l’adolescence

Le phénomène du compagnon imaginaire a été essentiellement décrit chez l’enfant et la personne âgée, plus rarement chez l’adolescent. Son apparition à l’adolescence peut souvent être confondue avec l’émergence d’idées délirantes et interprétée comme un signe prodromique de schizophrénie. Nous présentons ici le cas de Julie, une adolescente de dix-sept ans, afin d’illustrer l’hypothèse selon laquelle le phénomène du compagnon imaginaire peut apparaître dans un contexte psychopathologique distinct du fonctionnement psychotique. Cette jeune fille a en effet compensé une dépression latente par la compagnie d’un compagnon imaginaire qu’elle nomme Monseigneur. Nous décrivons en détail cette situation clinique, le déroulement des prises en charge thérapeutiques ainsi que l’évolution psychologique de Julie.

Adolescence, 2010, T. 28, n°4, pp. 829-840.

Vincent Cornalba : lagado

L’auteur envisage la question d’un changement dans le langage à l’adolescence comme mise en œuvre de cette dimension mutative dont le pubertaire est tout entier l’expression. La destitution dont le mot peut à tout moment être saisi, témoignerait du manque consubstantiel à tout langage. La recherche portée par l’adolescent consisterait à dévoiler ce manque à signifier, tout en s’assurant de la permanence du registre du langage. Cette « œuvre » s’inscrirait plus généralement dans ce régime de la preuve dont autrui reste, plus que jamais, le garant. C’est par l’autre que l’adresse et sa réception seraient assurées d’une permanence, malgré ce manque à signifier.

Adolescence, 2010, T. 28, n°4, pp. 817-828.

Alix Bernard : les séparations d’amadou

Cet article rend compte d’un travail de psychothérapie individuelle entrepris avec un adolescent sourd, au sein de l’institution spécialisée où il était accueilli, et montre combien l’adolescence peut être une crise violemment désorganisatrice, mais aussi un moment où se mobilisent de nouvelles ressources. Séparé de sa famille du fait de son handicap depuis l’âge de quatre ans dix mois, l’entrée en puberté ramène au premier plan la question de cet éloignement. Amadou évoque alors différentes versions de cette séparation, véritables « scènes pubertaires » (Gutton, 1991) dans lesquelles s’actualise l’événement infantile, la violence de cet événement se liant à celle de l’adolescence. La crise traversée est l’occasion d’élaborer le trauma infantile, et de trouver et d’interroger les appuis proposés par l’environnement – la psychothérapie, l’institution et l’entourage familial. Cette étude de cas permet de réfléchir plus généralement aux enjeux œdipiens de la séparation, la visite de ses parents à l’acmé de sa crise lui ayant permis de s’engager plus avant dans un processus adolescens (Gutton, 1996). Ce travail offre également l’opportunité de s’intéresser aux travaux d’anthropologues et psychanalystes (Erny, 1972, 1988 ; Ortigues, 1966) dont les travaux apportent un éclairage précieux sur la séparation de l’enfant d’avec la mère et la famille, et sur les spécificités de l’organisation œdipienne en milieu africain.

Adolescence, 2010, T. 28, n°4, pp. 795-815.

David Le Breton : adolescence et prise en charge thérapeutique

Les conduites à risque sont des manières pour le jeune de lutter contre sa souffrance. Les modes de résolution des tensions sont multiples, elles impliquent notamment des pratiques culturelles comme le théâtre, la musique, le sport, etc. ou des rencontres. La psychothérapie d’inspiration analytique vaut surtout pour le jeune qui en accepte le principe. Mais elle implique un ajustement du cadre, et une implication du thérapeute. La qualité de la relation est aussi importante que le contenu des paroles échangées.

Adolescence, 2010, T. 28, n°4, pp. 781-793.

Philippe Gutton : perlaborer dans la cure

Lorsque la création adolescente ne parvient pas à reconstruire le Moi-je en tenant compte de la nouveauté pubertaire, le psychanalyste doit inventer une pratique spécifique ; soit un travail de construction auquel l’adolescent est susceptible de s’identifier. Lorsque la création adolescente n’est ni partageable ni partagée, la cure doit proposer un champ commun où peut se développer une perlaboration à deux au sein de laquelle les conditions (en règle infantile) de l’impasse (breakdown) sont imaginées ensemble.

Sont travaillés successivement : – les modalités de l’intervention, en particulier leur souplesse et leur limite ; – la différence de fait que l’adolescent apporte un matériel ou non ; – le processus en jeu dans les constructions du psychanalyste en l’occurrence la sublimation qui est mise en opposition avec l’emprise de l’idéal ; – l’implicite risqué de la déconstruction dans toute suggestion imaginaire de l’analyste.

Adolescence, 2010, T. 28, n°4, pp. 747-780.

Patrice Huerre : abaisser l’âge de la majorité : pour en finir avec l’adolescence

La manière de faire passer de l’état d’enfant à celui d’adulte au décours de la puberté a beaucoup évolué au long de l’histoire. Les changements physiologiques du corps ont été le plus souvent corrélés au changement statutaire et juridique du sujet. Force est de constater qu’il n’en est plus rien et que, depuis sa création au milieu du XIXe siècle, l’adolescence n’a fait que s’étendre au détriment de la phase de latence en amont et de l’accès à la maturité en aval. Les difficultés que cette situation occasionne pour les adolescents doivent nous inviter à la remettre en question et à proposer un abaissement de l’âge de la majorité.

Adolescence, 2010, T. 28, n°3, pp. 699-708.

Ludovic Gadeau : le rapport à la loi et l’exercice de l’autorité : acte éducatif et temps transitionnel

L’auteur met en discussion une forme de dérive dans le rapport à la loi et l’exercice de l’autorité en opposant acte éducatif et réaction éducative. Cette opposition est utile pour élaborer les situations éducatives se situant au voisinage de la perversion. La réaction éducative opérerait dans le registre de la réalité contingente, répondant à une temporalité du registre de l’immédiateté. L’acte éducatif tirerait son pouvoir structurant de ce qu’il se situe essentiellement dans le registre symbolique, gouverné par une temporalité transitionnelle. L’auteur montre que certaines expériences intersubjectives lorsqu’elles sont soumises à une temporalité transitionnelle donnent à l’acte éducatif sa portée structurante.

Adolescence, 2010, T. 28, n°3, pp. 689-697.

Nicole Jeammet : rite et vie monastique

À partir d’une recherche effectuée dans un monastère, cet article interroge le sens que peuvent prendre la liturgie et les rites : à travers l’importance donnée au corps et au faire dans un lieu commun à l’Autre et à soi, ne peut-on les voir comme une porte d’accès à un espace transitionnel ?

Adolescence, 2010, T. 28, n°3, pp. 685-688.

Véronique Donard : thérèse de lisieux ou la sublimation des pulsions meurtrières

Cet article aborde certains aspects de la fantasmatique de Thérèse de Lisieux lors de sa préadolescence et de sa puberté. Il met à jour des conflits psychiques marqués par la mort et la violence, de même que par la force des affects œdipiens et par une impossible sexualité. Il cherche à montrer que, si la réalité psychique de la « petite Thérèse » est loin de correspondre à l’image édulcorée que l’on s’en fait habituellement, elle ne révèle pas moins la qualité du travail des pulsions de vie et la force d’un remarquable processus de maturation qui sut transformer progressivement une organisation psychique pathologique et mortifère en une dynamique tournée vers la vie.

Adolescence, 2010, T. 28, n°3, pp. 667-684.