Archives de catégorie : Composer – 2011 T. 29 n°1

Philippe Gutton : paradoxes en métamorphose

La métamorphose instaure une contradiction paradoxale entre originalité et programme, « hasard et nécessité », désordre et ordre, différence et similitude, sujet et assujettissement, ouvrant une réflexion entre sublimation et emprise. Paradoxal est également son déroulement dans le temps, car l’illusion pubertaire est créatrice dans la mesure de son oscillation avec la désillusion. Reprenant l’adage fondamental de R. Kaës dont on ne saurait négliger la paradoxalité : « Le sujet est d’abord un inter-sujet », la métamorphose pubertaire est de façon exemplaire celle de l’inter-sujet, elle inclut en sa procédure même l’autre. Pas de changement structural solitaire. Le pubertaire n’est pas une (re)trouvaille de l’objet mais une révélation de l’altérité génitale.

Le « contrat métamorphosique » s’élargit singulièrement lorsqu’il désigne la création en mouvement d’un lien entre sujet et société, individu et ensemble, discours singulier et référent culturel.

Adolescence, 2011, T. 29 n°1, pp. 171-189.

Jocelyn Lachance : temporalité

Dans le contexte contemporain, caractérisé entre autres par la pénurie des chemins tracés vers l’autonomisation, des adolescents rivalisent d’originalité pour avancer en toute harmonie avec leur société de consommation et de l’image. Or, malgré leur absence de résistance, l’impératif d’affirmation de soi leur demande d’investir certaines dimensions de l’existence pour se préserver du sentiment d’hétéronomie. En investissant singulièrement la temporalité, notamment en s’adonnant à des actes de désynchronisation, en créant délibérément des situations d’urgence et en provoquant des expériences symboliques de l’ubiquité, des jeunes redéfinissent leurs rapports aux contraintes temporelles qu’imposent les rythmes de la vie collective. La temporalité apparaît alors comme un matériel de l’autonomie.

Adolescence, 2011, T. 29 n°1, pp. 161-169.

Gianluigi Monniello : comprendre la vie et la mort

L’auteur propose quelques pistes de réflexion sur le mystère et le phénomène de la mort. Il convient en effet de distinguer, comme l’auraient fait les Romains, le mortalis, le moribundus, le moriens et le mortuus. Cette distinction est essentielle pour permettre d’organiser la recherche sur le lien intime entre la conception, l’originaire et « la peur antique ». Se fondant également sur une expérience clinique, l’auteur signale que le concept d’identification primaire est essentiel pour lire analytiquement l’activité psychique spécifique que l’on appelle travail du trépas. Le mourant tend en effet à former avec la personne qui prend soin de lui, dernier dépositaire du transfert, une dernière dyade, dans le sillage de la relation précoce avec sa mère.

Adolescence, 2011, T. 29 n°1, pp. 147-159.

 

Vincent Di Rocco : « sur le bord du monde ». processus psychotiques et processus créateurs au sortir de l’adolescence

À travers le cas de Émétério, jeune schizophrène photographe de talent, l’auteur souhaite montrer l’importance des liens entre les impasses de la subjectivation du processus adolescent et l’émergence d’états psychotiques au sortir de cette période de l’existence. Dans le cadre psychothérapique, le travail artistique et le travail du rêve se rejoignent dans une tentative de représentation réflexive des processus psychiques en échec. L’analyse clinique porte plus spécifiquement sur la dialectique des processus dits « limites », oscillant entre création et effacement des limites différenciatrices en lien avec les hypothèses de G. Lavallée sur la rupture de la boucle réflexive contenante et subjectivante de la vision. L’auteur fait aussi l’hypothèse que les destins de ce travail de construction et de déconstruction suscitent un intérêt particulier des adultes à propos des rapports que tisse l’adolescent avec la création et la mort.

Adolescence, 2011, T. 29 n°1, pp. 135-145.

Anouk Imhof : Thomas et l’infini

L’adolescence, période propice aux passages à l’acte du fait des remaniements internes et externes du sujet, est une période de paradoxes : besoin d’autonomie et de dépendance, activité et passivité. Il est ainsi difficile pour certains adolescents d’être à l’origine d’une demande de soin qui les place dans une position de dépendance envers l’adulte-thérapeute. Les traitements ordonnés de justice, l’une des mesures protectrices à la disposition des juges pour mineurs, permettent d’obliger l’adolescent à suivre un traitement psychique. L’article discute la place de cette mesure dans les prises en soins à l’aide d’une vignette clinique qui concerne un adolescent de quinze ans, pris dans une relation symbiotique à sa mère, victime de violences physiques de la part de son père dans son enfance et qui, après s’être montré violent à l’égard de sa mère, menace de tuer l’assistante sociale qui a ordonné son placement dans un foyer. Le traitement ordonné de justice à l’adolescence : entre contrainte et étayage ?

Adolescence, 2011, T. 29 n°1, pp. 113-134.

Yves Morhain, Emilie Morhain : la création adolescente

Le travail de création est au centre même de l’opération adolescente, marquée par la rencontre avec l’autre sexe, la confrontation aux limites et au malaise narcissique, mais aussi aux désillusions qui résultent des promesses et des espoirs infantiles. Ce profond bouleversement ouvre la voie à l’acte créatif voire à la création. Émergence d’originalité, expression intense, quête d’idéal, découverte de systèmes de pensée, production d’objets culturels nouveaux, souci de mise en scène, sont des traits caractéristiques de la création artistique qui se retrouvent dans le processus de création de soi qu’est l’adolescence. L’acte de création renverrait-il au processus d’adolescence en tant que paradigme de la crise créative ? Est-il spécifique du passage adolescent pour y traduire les inquiétudes et les déchirements de cette période de la vie ? Ou bien, n’est-ce pas l’adolescence que ce vouloir créer pour devenir soi-même, à travers un mélange de volonté destructrice et de désir créateur ?

Adolescence, 2011, T. 29 n°1, pp. 87-111.

Laetitia Petit, Jean-Jacques Rassial : les transferts et le début de la cure psychanalytique de l’adolescent

Le dispositif psychanalytique constitue une des possibilités d’indication thérapeutique, limitée par la prévalence du maniement du transfert, quand la crise d’adolescence est un moment ordinaire de labilité des manifestations pathologiques de révision des états de la structure. C’est pourquoi le principal critère d’indication n’est alors ni la spécificité des troubles manifestés, ni le diagnostic de structure. Les entretiens préliminaires sont alors fondamentaux pour évaluer cette indication qui sera décisive, mais qui reste néanmoins temporellement dépendante de l’engagement transférentiel de l’adolescent.

Adolescence, 2011, T. 29 n°1, pp. 79-86.

François Richard : l’adolescent a-t-il changé ? nous avons changé

Cet article envisage la spécificité des actuelles pathologies adolescentes (fonctionnements en processus primaires sans limites, externalisation des conflits intrapsychiques, recours à l’agir, à la violence et à l’excitation auto-calmante) du point de vue de la complexité de la Psyché, susceptible de combiner conflit pulsionnel œdipien et problématique de l’archaïque. Ce sont les modalités du travail analytique qui doivent être interrogées. Des hypothèses sur la rencontre intersubjective en séance, ainsi que sur un nécessaire dépassement de l’opposition narcissisme/relation d’objet, sont proposées en direction d’une pensée de l’altérité.

Adolescence, 2011, T. 29 n°1, pp. 67-78.

Marie-Christine Aubray : se laisser surprendre

L’analyste, confronté à des butées transféro-contre-transférentielles, au sein de cures avec des adolescents en grandes difficultés de subjectivation, peut être amené à aménager le cadre de la thérapie en recevant ponctuellement les parents avec leur adolescent. Dans cet espace pluri-dimensionnel, il s’ouvrirait à la possibilité d’être « surpris », transformé dans son fonctionnement psychique en vue d’une relance de sa fonction subjectalisante auprès de l’adolescent.

Adolescence, 2011, T. 29 n°1, pp. 63-66.

Ignacio Melo : le travail de composition dans les consultations avec des adolescents

Je décris dans cet article ma pratique de la consultation thérapeutique avec les adolescents, l’explicitant à travers quatre extraits d’entretiens, après une réflexion de certains auteurs qui m’ont aidé à la penser. Je parle des conditions qui président la communication avec mon patient, particulièrement l’identification narcissique. Le point central de ma technique est ce que j’appelle le travail de composition, ainsi défini : Le travail de composition est une mise en récit d’éléments divers, parfois inconscients, le plus souvent préconscients et manifestes. Il met en lien, aussi, les différents régimes de fonctionnement. Création de la séance, ses constituants viennent indistinctement de la présentation du patient ou de la pensée de l’analyste. Ce dernier prend en charge la narration sur un mode propositionnel, dit la souffrance autrement que de manière symptomatique et ne vise pas une vérité profonde. Sur un plan concret cela signifie qu’il doit être prêt à l’abandonner, si le patient la juge déplacée ou inutile. Son caractère explicatif est porteur de sens, mais n’est pas nécessairement une hypothèse causale et peut prendre la forme de la mise en scène d’un conflit, ou de la formulation d’un paradoxe. La composition est un récit qu’on peut réécrire à l’infini, si besoin. Elle est aussi une proposition d’un mode de fonctionnement : des expériences variées, source de douleur ou de joie, parfois contradictoires, voire paradoxales, peuvent se dire à travers une narration. Et l’analyste invite le patient à devenir lui-même compositeur, et, ce faisant, en éprouver un soulagement ou, même, du plaisir. Dans ce sens, la composition est un instrument de transformation. Je termine en précisant que ce travail doit conduire à une déconstruction des fonctionnements gênants, source de souffrance et empêchant le développement psychique.

Adolescence, 2011, T. 29 n°1, pp. 9-62.