Archives par mot-clé : Sexualité

Jean Laplanche : pulsion et instinct

Les notions métapsychologiques de pulsion et d’instinct doivent être soigneusement distinguées. Elles le sont dans l’allemand de Freud, qui utilise les termes Instinkt et Trieb de façon absolument différenciée. Elles ont été toujours confondues dans la psychanalyse depuis la traduction anglaise syncrétique de Strachey par instinct. L’instinct et la pulsion s’opposent, chez l’homme : par le caractère inné et adapté d’un côté, acquis (précocément) polymorphe et anarchique de l’autre côté. La recherche de l’apaisement (instinct) s’oppose à la recherche de l’excitation (pulsion).
Chez l’homme, il existe des comportements instinctuels d’autoconservation, dont la théorie de l’attachement a montré l’étendue, la précocité (compétences) et le caractère intersubjectif. En revanche dans le domaine sexuel, l’instinct n’apparaît qu’à la prépuberté ou la puberté. C’est dans le « silence » de l’instinct sexuel, entre la naissance et la puberté, que surgit et se développe la pulsion sexuelle. Elle le fait en étayage sur l’instinct d’autoconservation par le processus de la séduction généralisée.
À la puberté, l’instinct sexuel doit composer avec la pulsion infantile, qui a déjà « occupé la place ».
C’est la pulsion sexuelle infantile refoulée dans l’inconscient qui est l’objet de la psychanalyse.

Yassaman Montazami-Ramade : les noces de sang. adolescents, soldats et martyrs en iran

Suite à l’effondrement des utopies révolutionnaires, les adolescents iraniens développent à travers leur rôle actif en tant qu’engagés volontaires dans la guerre Iran-Irak, une “ culture de mort ” où la recherche d’une identité de martyr se substitue à un processus de subjectivation.

L’idéologie islamiste et le fanatisme de guerre induisent des comportements de repli narcissique qui empêchent ces jeunes d’accéder à la dimension de sexualité adulte et par là de s’approprier un discours au sein d’une société répressive.

À travers le cas clinique d’un ancien adolescent-soldat iranien, cet article tente de montrer comment cette guerre est devenue la seule réponse sous forme d’impasse au processus d’adolescence pour des milliers de jeunes Iraniens.

 

Marika Moisseeff : le monstre comme symbole de l’horreur maternelle

La sexualité des adolescents est devenue l’objet de toutes les attentions : il paraît essentiel, aujourd’hui, d’en prévenir les conséquences fâcheuses, au rang desquelles la grossesse occupe une place de choix. Or la métamorphose des adolescents en virtuels procréateurs et la maternité sont justement des sujets de prédilection dans les séries américaines qui leur sont destinées. La fonction procréatrice féminine y est présentée comme un phénomène parasitaire potentiellement mortel, force démoniaque qui menace l’humanité. Le héros rédempteur est féminin et sa trajectoire est comparable à un rite d’initiation.

 

Pascal Hachet : usages festifs de cannabis

Les très nombreux adolescents qui fument du cannabis de manière festive – ou récréative – n’entretiennent certes pas un rapport addictif avec les « joints ». Mais il est intéressant de remarquer que l’utilisation de ce produit n’est jamais étrangère aux divers aspects de la conflictualité constitutive de la crise d’adolescence : par delà le fait de disposer d’une alternative – ou d’un complément ! – à l’ivresse provoquée par les boissons alcoolisées, il s’agit de modifier ponctuellement ce qui est ressenti et pensé, de manière à améliorer le rapport avec les autres adolescents, à se familiariser avec le désir et les premières expériences sexuelles, à faciliter les manifestations d’humour et, parfois, à gérer une sensibilité excessive et des fantasmes sexuels et agressifs dérangeants. Des entretiens psychoéducatifs peuvent permettre à ces adolescents de questionner plus globalement le mal-être propre à leur âge, ses conséquences relationnelles et la façon dont ils essaient d’y remédier. À cet égard, la famille peut être utilement associée à la prise en charge.

Aboubacar Barry : le sens du rite à l’adolescence

L’accroissement des demandes de prise en charge institutionnelle d’adolescents indique soit que les crises d’adolescence sont devenues plus aiguës, soit que les formes d’organisation actuelles des familles les rendent incompétentes à les gérer en leur sein. Cette sollicitation s’explique aussi en partie par l’absence de procédures médiatisant le passage à l’âge adulte. Beaucoup de conduites adolescentes évoquent d’ailleurs des esquisses ratées de rituels d’initiation. Le travail avec des adolescents ne peut qu’être enrichi et amélioré par la connaissance des rites de passage pratiqués par les sociétés traditionnelles. Le cadre de contenance de la violence et de la sexualité qu’offrent ces rites, les procédures d’affiliation au monde adulte qu’ils mettent en œuvre, la réélaboration de l’ordre symbolique qu’ils impulsent, etc., permettent d’éclairer certaines impasses auxquelles les institutions accueillant des adolescents sont régulièrement confrontées.

Françoise Frontisi-Ducroux : parties de chasse chez les Grecs

En Grèce ancienne la période qui correspond à l’adolescence est pensée et institutionnalisée différemment selon le sexe. Pour les garçons, les rituels initiatiques les plus importants concernent l’entrée dans l’âge adulte. Pour les filles, cela se situe plus tôt et les pratiques rituelles sont censées correspondre à une préparation au mariage. Les mythes mettent l’accent sur les difficultés et les échecs. Accidents de chasse sanctionnant une incapacité à trouver un équilibre comportemental et sexuel, pour les uns, crises maniaques et suicides pour les autres. Les divinités qui ont la charge de surveiller ces périodes critiques sont toujours impliquées dans ces scénarios tragiques.

Chapelier Jean-Bernard : humour, amour et sexualité dans la culture adolescente

À partir d’un cahier de texte annoté par des adolescents de 4ème, il est montré comment ces derniers entrent dans une problématique d’investissement sexuel de nature objectale à travers différents types de relations, narcissiques, homosexuelles et hétérosexuelles en utilisant le jeu et l’humour. Dans une certaine continuité du folklore obscène des enfants de primaire, les adolescents utilisent le collège comme un lieu d’apprentissage de la sexualité adulte en dehors de la famille devenue impropre à l’investissement objectal sexualisé et des groupes de pairs trop centrés sur l’homophilie.

Malanjaona M. Rakotomalala : Le  » besoin de la chair « , un outil de résistance au christianisme chez les anciens merina

 Au XIXe siècle, la Bible proposa une image nouvelle du corps humain aux Merina, dont la royauté était la plus puissante et la plus évangélisée à Madagascar. Le christianisme était censé les inspirer pour leur intégration dans la  » civilisation « . Certaines institutions ancestrales, jugées contraires aux nouvelles traditions, étaient alors abandonnées. Cependant, le  » besoin de la chair « , néologisme par lequel les missionnaires désignaient la luxure, restait insensible à la christianisation des murs. Les Merina utilisèrent la sexualité comme un champ de résistance, face à la crainte d’une emprise totale de l’Occident sur leur identité. Que ce fût au sein de la famille royale ou chez le commun des gens, les acteurs étaient surtout les adolescents : leur comportement avait été approuvé par leurs parents.

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 263-274.

Didier Lauru : La folie du toucher

La crainte du sida complexifie la rencontre amoureuse et bouleverse les rapports des adolescents dans leurs premières approches de la sexualité. La folle envie de toucher l’autre, incarnée magnifiquement dans l’idéal amoureux, peut en être empêchée. L’auteur émet alors l’hypothèse que les adolescents en viendraient à répéter phylogénétiquement les différents stades de l’amour courtois.

Adolescence, 1999, T. 17 n°2, pp. 133-141.

Serge Lesourd : le féminin à l’adolescence : constitution d’un lieu

En s’appuyant sur une cure d’adolescente, l’auteur interroge une découverte fondamentale du temps de l’adolescence : celle de la féminité en soi, jusque-là ignorée du sujet, tant pour le garçon que pour la fille. Cette “ féminité en soi ” s’inscrit pour le sujet, hors de ce qui l’a constitué enfant en tant qu’être sexué. La sexualité infantile s’appuie sur le primat du phallus qui borne le rapport aux autres. L’adolescent, sous la poussée pubertaire, en vient à refuser ce primat phallique comme régulateur du rapport au monde, comme limite de la sexualité, comme point d’arrêt de la jouissance. Cet “ au-delà ” de la dimension phallique correspondant à la féminité en soi, qui est un mode de jouissance non entièrement marqué de la limite phallique, un passage obligé par la logique inconsciente pour constituer une relation amoureuse hétérosexuée. La rencontre de LA différence, celle qui résume toutes les différences, n’est pas sans difficulté pour les adolescents. Ce détour par le féminin, errance nécessaire, peut aussi être la cause d’errances sociales et psychiques importantes pour les jeunes.