Archives de catégorie : Parentalité – 2006 T. 24 n°1

Philippe Jeammet : réflexions sur la parentalité

Les êtres humains ont une compétence naturelle à élever des enfants, sinon l’humanité n’existerait plus. Il est vrai cependant que l’évolution sociale récente rend cette fonction plus complexe sinon plus difficile. La libéralisation de la société occidentale a fait perdre en partie un certain consensus sur les règles éducatives qui s’interposait en tiers entre les désirs des parents et ceux des enfants. Cette perte, bénéfique à bien des égards, a l’inconvénient de susciter un rapproché de type incestuel entre les partenaires et de favoriser un investissement narcissique entre eux, brouillant les limites. Ce qui différencie l’enfant et l’adolescent est alors ce qui échappe au désir des parents c’est-à-dire tout ce qui est de l’ordre de l’opposition, de l’insatisfaction, de la provocation et potentiellement de la destructivité. « Ça c’est moi » peut dire le jeune parce que cela met l’adulte en échec et dans l’impuissance et permet au jeune d’échapper à l’angoisse d’abandon parce qu’il inquiète et à l’angoisse de fusion et d’intrusion que pourrait susciter le plaisir partagé.

Il ne faudrait pas cependant que cette invitation faite aux parents à « comprendre » leurs relations émotionnelles avec leurs enfants les paralyse dans leur action et dans leur spontanéité et renforce une situation d’attente à l’égard des enfants auxquels il serait demandé de dicter leur éducation à leurs parents, dont ils prendraient en quelque sorte la place. Il apparaît plus favorable de libérer leur confiance en leur capacité d’être parent tout en les dissuadant de vouloir tout contrôler et de se culpabiliser dès qu’une difficulté surgit ; Par contre toute difficulté durable qui empêche le jeune de se nourrir de ce qui est nécessaire à son développement et renforce ainsi une dépendance pathogène à l’adulte et la nécessité de s’opposer pour se différencier au détriment du développement de ses compétences appelle à la fois une limite ferme posée par les parents au comportement destructeur et une ouverture à des tiers pour sortir de la confrontation stérile.

Myriam Boubli, Brigitte Efrat-Boubli : la parentalité : un processus, hors confusion des langues, favorisant la croissance psychique

La parentalité peut être considérée comme un processus, en grande partie inconscient, qui partirait de fondements archaïques, primordiaux et aboutirait à la mise en place d’un lien social. Elle permet, en évitant le risque d’un système de lien parasitique, le développement des partenaires en interrelations, la triangulation œdipienne et la construction d’une identité sexuée. Au niveau le plus organisé, le processus de parentalité favorise l’accès, par la sublimation, à la socialisation et à la créativité.

François Richard : la parentalité, une notion à discuter

Cet article cherche à montrer que la notion de parentalité émerge dans le contexte d’une évolution historique où le lien social tend à s’auto-reproduire, au-delà des systèmes traditionnels de parenté. Ceci doit être mis sérieusement à la discussion, dans la mesure où risquerait d’être oubliées la conception psychanalytique du conflit pulsionnel œdipien et la centralité de l’interprétation du transfert dans la cure analytique. Une première partie envisage les modalités actuelles du « malaise dans la culture » ; sont ensuite étudiés certains avatars de la subjectivation cas-limites qui se rationalisent dans un discours sur la parentalité. En conclusion, parentalité et parenté sont dialectisées grâce à une mise en perspective anthropologique.

Philippe Gutton : parentalité

Le concept psychodynamique de parentalité se distingue de celui de parenté travaillé par les médecins et les anthropologues. Il définit un travail psychique original que l’auteur situe comme processus de création. L’expérience de parentalité se développe tel le narcissisme primaire à partir d’un incréable archaïque énigmatique pour s’engager dans la conflictualité œdipienne ; création dans laquelle la filiation et l’affiliation sont en jeu. Le travail individuel est incité et limité par l’expérience du couple géniteur et par l’enfant lui-même engagé dans son auto-création originale. La parentalisation tierce a pour mission de se dégager de la conflictualité fantasmatique et en action afin de poser dans le quotidien des conduites et des discours, la question de l’inconscient de chacun des membres de la famille et du groupe familial.