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Jacques Dayan : dépressivité et dépression à l’adolescence

Une tendance à la psychiatrisation systématique des états mentaux conduit à considérer les périodes de tristesse et de découragement persistants de l’adolescent, voire les seuls états de morosité, comme des figures de la pathologie. Nous développons avec D. W. Winnicott, E. Gut, P. Fédida et Ph. Gutton, le point de vue dynamique selon lequel le mouvement dépressif, inhérent à la vie mentale, participe à la régulation de la vie psychique. Mis en jeu par la perte ou l’abandon, il favorise la redistribution des investissements, véritable « ré-affectation ». Le sujet adolescent déprimé nécessite d’être accompagné, non d’être d’emblée soigné. Bien que l’issue de la dépressivité adolescente soit le plus souvent favorable, nous en examinons certains destins dommageables, qualifiant la dépression de « non productive », de « dépression de mort » ou de dépression de déliaison. Deux figures pathologiques emblématiques, l’anorexie mentale de la jeune fille et les conduites toxicomaniaques, sont envisagées comme résistance à une dépressivité, pourtant élément clé d’un processus d’intégration. Elles illustrent, à l’instar du démantèlement de la pensée dans les dépressions psychotiques – désespérément exprimé dans des productions artistiques – le rôle essentiel que joue le corps comme constituant et moyen de la vie psychique.

Adolescence, 2011, T. 29 n°4, pp. 737-745.

Alejandro Rojas-Urrego : appelle-moi seulement amour et je serai rebaptisé

L’état amoureux à l’adolescence prend souvent la forme de la passion et les accents d’une tragédie. Il est aussi craint que recherché, non seulement en tant que retrouvaille et répétition, « réédition de faits anciens » écrit Freud, mais aussi en tant que découverte nouvelle, dynamisme créateur, invention transformatrice. Il représente désormais un second baptême, une nouvelle naissance qui doit parfois dénier la première. Aimer, c’est renaître. Se défaire, afin de mieux se refaire, se recréer. Au risque, bien entendu, de se perdre pour toujours. L’état amoureux à l’adolescence s’impose à l’attention du psychanalyste. L’expérience clinique nous confronte parfois aux effondrements psychiques qui suivent les déceptions amoureuses. Elles sont alors les révélateurs de la qualité des assises narcissiques des adolescents dont l’identité est en souffrance. Reviviscence plus que réminiscence. Dans ces situations où les représentations viennent à nous manquer, la littérature nous est souvent d’un grand secours. Elle peut nous permettre de commencer à mettre en mots une histoire qui n’en a pas. À partir de l’étude de Roméo et Juliette de W. Shakespeare, l’auteur propose plusieurs lignes d’interprétation possibles de l’amour à l’adolescence autour des notions de corps sexuel, de narcissisme, de mort, d’orgasme, de nom.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 683-705.

Philippe Gutton : transgresser ou transcrire

Lorsque l’auteur (M. Hatzfeld) parle de la « vitalité sauvage » jaillissant dans le sillage de la jeunesse, je pense que les processus d’adolescence sont le vivant de la jeunesse ; sublimation pubertaire bien à tort interprétée par la réponse sociale comme transgression. La liberté créatrice, concevons-la ainsi n’est jamais seule.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 673-676.

Johanne Rosier : la maison de bernarda alba : déni du féminin et refus du changement

Le drame théâtral de Frederico Garcia Lorca « La maison de Bernarda Alba » dévoile la vie de cinq filles maintenues dans un deuil de huit ans imposé par leur mère. Adela, la benjamine s’engagera dans un combat intime et violent contre sa mère, qui scellera le destin de sa féminité. La question centrale porte sur les aléas de la bipartition de la subjectivation féminine entre continuité et changement.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 665-671.

Béatrice Mabilon-Bonfils : les élèves souffrent-ils à l’école ? des souffrances scolaires « ordinaires » qui ne peuvent se dire…

Avec la seconde modernité, la construction du sens d’une école prise dans un processus de désinstitutionnalisation n’est ainsi plus transcendante mais immanente pour les élèves. La question de l’expérience scolaire et du ressenti des élèves face à leur scolarité mérite donc d’être posée. Notre enquête nous conduit à poser que le sentiment de souffrance scolaire devient structurel, alors même qu’il est collectivement dénié. L’article se propose d’éclairer le sens de ce déni collectif et de cette invisibilisation sociale de la souffrance scolaire, à l’aune des mutations sociétales contemporaines, avant de dresser une typologie idéal-typique des formes de souffrances à l’école des élèves.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 637-664.

Henri Flavigny : urgences psychiatriques et/ou centres de crise ?

Pour répondre adéquatement en urgence aux traumatismes psychiques et aux troubles du comportement de l’adolescent, il faut non seulement considérer l’exécution de l’acte, mais surtout son sens.

C’est celui-ci qui impose la nécessité de disposer d’une gamme de solutions variées : les unes sont réalisées au niveau de la communauté sociale, représentées par les « centres de crise » pour adolescents, non psychiatriques, non médicalisés. Les autres par les « unités psychiatriques de réponse en urgence » aux besoins des adolescents. Ces dernières ne doivent pas fonctionner isolément, mais être articulées avec l’ensemble des éléments d’un intersecteur.

C’est dans la mesure où nos réponses en urgence respecteront le sens de la question posée par l’expression diverse des traumatismes psychiques et des troubles du comportement de l’adolescent qu’elles se révéleront efficaces et que le moment de sa crise pourra constituer un élément positif pour son évolution.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 627-636.

Marie-Jeanne Guedj : l’urgence à l’adolescence

À partir de l’expérience d’un centre d’urgences psychiatriques générales accueillant chaque année 700 jeunes de moins de dix-huit ans, et à la suite de l’article d’Henri Flavigny de 1984 sur les réponses en urgence à l’adolescence, des voies de réflexion sont proposées. L’urgence est actuellement un phénomène de société s’exacerbant dans des crises. Nous préférons parler de crise à l’adolescence, processus à la fois intrinsèque et environnemental, pouvant ou non aboutir au service des urgences, de même qu’une urgence se déclinera ou non en crise. La temporalité complexe tant de l’adolescence que de l’urgence est abordée. La paranoïa y est activée, parfois la seule modalité de questionnement du faux quand le compromis est impossible. Ainsi l’urgence apparaît-elle comme le réceptacle de l’impossible adolescence quand la subjectivité est en impasse. Elle se dévoile de façon inattendue comme un endroit de parole et d’écoute.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 615-626.

Jacques Dayan : l’autonomie comme valeur

L’idée que le concept de responsabilité de Soi s’impose depuis plusieurs décennies comme représentation dominante de la relation de l’individu au socius est discutée. Une des principales hypothèses avancées par l’auteur est que la – relative – irresponsabilité de Soi était associée à l’étendue de la délégation de sa propre protection à l’État. Ces modifications feraient écho aux transformations socio-économiques et traverseraient, nous l’évoquons, le champ des sciences humaines. Elles se manifestent, concernant la psychanalyse, par une évolution de la plainte et un accent porté sur les troubles « narcissiques ». Il reste incertain que ces transformations affectent de façon consistante le comportement adolescent au-delà du rôle que celui-ci semble avoir régulièrement joué : celui d’un intégrateur social, d’un passeur entre les générations.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 609-614.

Joëlle Bordet : un autre regard sur les jeunes en situation d’inégalités sociales

De façon dominante, les « jeunes des quartiers populaires » représentent pour la société et ses représentants un risque social. Ils sont appréhendés comme une entité globale sur le registre du déficit social ou du danger. Dans cet article, nous montrons comment cette posture des institutions et de leurs représentants a pour effet de mettre à distance l’inquiétude des adultes mais aussi les relations subjectives avec les jeunes. Afin de retrouver une confiance et  de créer de nouveaux processus de subjectivation des jeunes, nous proposons, en référence aux travaux menés dans les municipalités, d’ouvrir de nouvelles perspectives de rencontres et d’action, en étayage sur leur désir de reconnaissance et d’avenir partagé.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 603-608.

Anne Tassel : responsabilité sans culpabilité ?

Que les coordonnées sociologiques d’un certain état d’incertitude nous forcent à un effort d’herméneutique portant sur une subjectivité destinée à devenir publique, et que, cédant au mouvement d’intériorisation de la responsabilité, nous soyons délivrés de la culpabilité qui entrave autant nos actes que notre action, le constat que porte A. Ehrenberg sur le travail contemporain d’adolescence, s’il est prometteur, semble laisser dans l’ombre les aspects plus douloureux que sont l’angoisse de culpabilité dont le pendant est le travail du fantasme.

Adolescence, 2011, T. 29 n° 3, pp. 595-601.